Mari trompé, mari heureux: le fantasme du «cuckold» Le cuckold est un “cocu
Mari trompé, mari heureux: le fantasme du «cuckold» Le cuckold est un “cocu heureux”, c’est-à-dire un homme qui jouit de voir sa femme dans les bras d’un ou plusieurs amants. Elle le trompe ouvertement. Et ça l’excite.Le mot «cocu» viendrait du mot “coucou” (cuckoo en anglais). La femelle du coucou pond dans le nid des oiseaux d’autres espèces afin que ceux-ci couvent l’œuf et nourrissent son petit à sa place. De même, le cuckold met sa femme dans le lit d’autres hommes, afin qu’ils lui fassent l’amour à sa place.Contrairement aux cocus habituels dont on dit qu’ils portent des cornes parce que tout le monde peut les voir sauf eux, les “cocus heureux” ne sont pas les derniers informés de leur infortune. Ils jouent au contraire un rôle actif dans leur propre cocufiage : ce sont souvent eux qui poussent leur compagne à avoir des rapports extra-conjugaux.Parfois même, ils assistent aux ébats et tirent un plaisir sans nom de voir leur bien-aimée entre les bras d’un autre. Pourquoi? Dans le milieu SM, la raison invoquée est souvent humiliante : le cuckold prétend qu’il n’est pas capable de satisfaire son épouse. Il affirme qu’il est impuissant, éjaculateur précoce ou “mauvais coup”. Ce qui n’est pas forcément vrai. A l’origine de ce fantasme, il peut y avoir une forme d’homosexualité larvée. Il peut aussi y avoir le désir d’être transformé en objet sexuel dont la femme dispose à sa guise : tel jour, elle s’offrira un amant, tel autre elle préfèrera utiliser son mari comme un sextoy de substitution…Mais la raison principale, probablement, c’est que le cuckold trouve sa femme plus désirable si elle est désirée par d’autres. C’est un fantasme qui repose sur la “triangulation du désir”: tu as plus de prix, ma chérie, quand les autres mâles te convoitent.Tenaillé par la jalousie, le cuckold fera tout pour satisfaire lui aussi sa femme, rivalisant d’ardeur avec ses innombrables amants afin qu’elle ne le quitte pas pour un autre… S’il fallait résumer grossièrement, on pourrait définir le cuckold comme un “mari idéal”. Un homme capable d’aimer sa femme envers et malgré tous les amants, défiant ainsi les conventions morales qui assimilent les adultères à d’indignes trainées.Le cuckold est aussi un homme tirant son plaisir de celui que sa femme éprouve, s’identifiant à elle lorsqu’elle se met à gémir et crier, partageant ses émotions. C’est aussi un homme qui met son orgueil à rude épreuve, pour le seul plaisir d’avoir –sans cesse– à reconquérir celle qu’il aime. Il met en danger son couple afin de mieux le sauver et entretient en permanence l’excitation des premiers moments, lorsqu’il n’était qu’un prétendant parmi d’autres, luttant pour obtenir la main de son élue, en compétition avec des rivaux séducteurs. Pour le cuckold, chaque jour est une déclaration d’amour.Beaucoup de maris sont des cuckold sans le savoir: ils encouragent parfois leur femme à se faire particulièrement belle et marchent derrière elle à vingt pas dans la rue, pour regarder les passants qui se retournent ou qui la sifflent. Beaucoup de femmes sont aussi des cuckold. En anglais, on les surnomme cuckqueans. Elles aiment imaginer que leur compagnon flirte avec d’autres femmes, et l’encouragent parfois à aller plus loin, parce qu’il est doux de savoir qu’au final c’est vers elle qu’il reviendra. Il peut bien faire ce qu’il veut “ailleurs”. Les cukqueans savent qu’elles restent l’amour unique. Elles jouissent des regards envieux que leur lancent d’autres femmes. Au final, les cuckold ne sont-ils pas dans une position privilégiée? Ils possèdent un trésor dont les autres ne peuvent jouir qu’à mi-temps. Par un curieux retournement de rôle, ils parviennent même à rendre les amant(e)s jaloux(ses).Parmi les lecteurs de ce blog, il en est un qui se prénomme “Eric le cocu”: “Je suis marié depuis 7 ans avec Véronique et j’ai été cocu dès le début de notre relation. Étant soumis et elle dominatrice, nous avons décidé d’en faire un mode vie bien avant que cela ne devienne une mode sur internet. De nombreux sites sont consacrés à notre tendance sexuelle comme cuckoldplace.com par exemple qui est le plus célèbre. Vous y trouverez toutes les tendances cuckold car il y a toute une série de variantes sur ce sujet. Moi ce que j’aime c’est devoir préparer l’appartement pour que ma femme puisse accueillir ses amants, me faire insulter par elle et eux, devoir les regarder baiser dans notre lit conjugal, puis être chassé et obligé d’aller me branler dans le couloir ou dans la cuisine. Ma femme a actuellement un amant régulier et officiel qu’elle embrasse devant notre immeuble devant tous nos voisins pour que tout le sache que je suis cocu. Elle a aussi d’autres amants de passage, ma préférence allant vers ceux qui en plus des insultes me font sucer leur bite, je dois les faire bien bander pour qu’ils enfilent ma femme ensuite.”«Eric le cocu» existe-t-il réellement? Peu importe. Son fantasme existe. Dans L’Ecole des femmes, Molière met en scène un homme qui se moque des cocus et finit par devenir l’équivalent d’un cuckold. Dans La Confession impudique Tanizaki décrit un couple qui redécouvre l’amour par le biais de la jalousie. L’homme écrit: «Je voudrais être jaloux jusqu’à la folie»… Il est prêt à offrir sa femme, le corps de sa femme, espérant par cette infidélité découvrir une nouvelle volupté, aimer par procuration. «Elle pourrait aller jusqu’au point où je la soupçonnerais de franchir la limite, je désire même qu’elle aille aussi loin».Dans La Venus à la fourrure, Leopold von sacher Masoch transpose sous la forme d’un roman sa propre expérience: «Je m’oblige, sur ma parole d’honneur, à être l’esclave de Mme Wanda de Dunajew, tout à fait comme elle le demande, et à me soumettre sans résistance à tout ce qu’elle m’imposera.» Pour que s’accomplisse pleinement son fantasme, le héros du roman se met à chercher, mais en vain, celui avec lequel Wanda le cocufierait et, en outre, le ferait battre. Sur internet, des centaines d’hommes déposent des annonces similaires: “Prenez ma femme devant moi, s’il vous plait”. “Je suis un mari qui aime sentir que sa femme appartient à un autre”. Etc.(publié dans Libération le 21/01/2015) -- source link