La primauté du combat culturel
La primauté du combat culturel “Confronté à l’impasse des tactiques électoralistes des partis « nationaux » ou « populistes » partout en Europe (stagnation à un niveau élevé comme pour le front national en France, compromissions en série pour atteindre le pouvoir comme en Italie, effondrement interne comme en Autriche ou au Pays-bas…), le discours sur l’importance du travail idéologique de formation et plus généralement de la nécessité d’un travail culturel « de fond » est réapparu avec beaucoup d’intensité à tel point d’ailleurs qu’on a parfois pu avoir l’impression qu’il s’agissait d’un discours de « repli », de découragement face aux désillusions du militantisme purement politique.Pourtant loin d’être purement circonstancielle, l’appel au travail culturel apparaît clairement comme une nécessité absolue et un simple retour à l’essentiel.Pourquoi ?Tout simplement parce que le combat culturel est à la fois ce qui précède la voie politique et ce qui la prolonge, l’ancre dans la société bien au-delà des soubresauts circonstanciels que sont les changements du personnel politique en place.Tout changement d’orientation « politicienne » ne sera qu’aléa ponctuel, oublié à la prochaine échéance électorale, si elle ne s’appuie pas sur des valeurs et sur une transformation réelle des mentalités.Pour illustrer ce propos, on peut se pencher sur le cas du régime franquiste. Le propos n’est pas de donner ici un jugement de valeur sur ce régime mais simplement de faire certains constats étayant notre exposé. D’un point de vue stratégique, militaire et politique, le régime franquiste est un parfait exemple de réussite. Réussite totale. Prise du pouvoir, écrasement des divers adversaires, élimination préventive des futurs opposants, régime sans partage durant 35 ans, développement économique spectaculaire… etc… etc… Réussite absolue.Mais si l’on regarde l’état actuel, politique, social et intellectuel de l’Espagne contemporaine, est-il sensiblement différent de celui des pays européens qui n’ont pas connu de régime autoritaire « de droite » et même qui ont été soumis à des régimes gauchistes ou avoisinants ? L’Espagne moderne est-elle beaucoup moins décadente, dévirilisée, ethno-masochiste et hystériquement matérialiste que le reste du monde occidental ? La réponse est malheureusement non, ce qui tend à prouver que le régime franquiste n’a été qu’une parenthèse dans l’histoire espagnole, sans influence profonde et durable susceptible de subsister et d’agir après la disparition des structures étatiques et policières de la « dictature ». Grosso modo, on peut dire que l’influence franquiste a disparu quasiment en même temps que le régime et n’est plus aujourd’hui, à peine 30 ans après, que résiduelle et folklorique.Cette situation s’explique justement par le désintérêt quasi-total du régime franquiste pour les questions culturelles. Or la culture c’est justement ce qui façonne l’esprit sur le long terme et c’est, comme le dit la formule, « ce qui reste quand on a tout oublié ». En effet, le régime franquiste, enfermé dans une conception étroitement classique de la « dictature d’extrême droite » avait pour but principal le bon fonctionnement du pays, dans la ligne jugée bonne par le « Caudillo » mais sans se soucier de l’adhésion des masses à ce projet. Dans la mesure où les individus ne gênaient pas le fonctionnement de l’Etat franquiste, on se souciait fort peu de leur inculquer les valeurs du régime, de les éduquer aux conceptions de l’autorité. C’est d’ailleurs ici que se situe la différence fondamentale, mise en évidence par Anna Harendt, entre la « dictature » et le « totalitarisme » qui lui ne cherche pas seulement à assurer la bonne marche d’un Etat mais à imposer une conception du monde et de l’homme à vocation universelle (et c’est sans doute dans cette prétention à l’universalité que se situe l’une des principales faiblesses du phénomène totalitaire). En délaissant le domaine éducatif et culturel, le franquisme a entériné le caractère éphémère et ponctuel de son influence.A mon sens, le combat culturel identitaire doit se situer à égale distance du « tout politique » trop fréquent dans le pragmatisme droitier et du bourrage de crâne propagandiste des totalitarismes.Notre combat doit être un éveil. Non pas asséner des « vérités » mais amener les individus à se poser les bonnes questions et proposer l’originalité de nos réponses. C’est par ce biais que l’on parviendra à agir sur le fondement du système au lieu de se borner à repeindre sa vitrine électorale au grès des alternances fictives.On peut donc affirmer que le vrai combat radical est culturel avant d’être politique. Évoquant ici la radicalité, il est nécessaire de rappeler que la nuance n’est en aucun cas l’ennemie de la radicalité. Etre radical ce n’est pas être simpliste. Au contraire c’est aller en profondeur, à la racine et vouloir s’attaquer aux causes des problèmes et non uniquement à leurs symptômes. Et il est fort rare que les réponses, les solutions trouvées soient simples et manichéennes.Ainsi par exemple, contrairement à ce qu’une vision superficielle pourrait laisser croire, il est beaucoup plus « radical » de se pencher sur les causes économiques de l’immigration et sur les responsabilités patronales et financières que de se borner à conspuer les immigrés et à réclamer des bateaux pour les renvoyer chez eux. Car il faut bien garder à l’esprit qu’un départ massif des populations immigrées ne réglera pas, ou du moins ne réglera que temporairement, les problèmes liés aux phénomènes migratoires si l’on ne s’attaque pas et si l’on ne démonte pas, en aval ou parallèlement, les mécanismes socio-économiques qui engendrent, favorisent et entretiennent ces déplacements de populations.Pour que notre combat culturel soit efficace, nous ne devons nous complaire ni dans le passéisme ni dans la nostalgie.Encenser sans fin des artistes, auteurs ou penseurs passés, c’est surtout démontrer que nous n’en avons pas d’actuels.Etre fidèle à la Tradition, c’est s’appuyer sur le passé pour construire, ce n’est pas être gardien de musée. Il ne faut pas confondre mémoire et sclérose.L’histoire fait partie intégrante du bagage culturel du militant mais il ne doit en aucun cas le phagocyter, surtout si cette « histoire » se résume à un rabâchage névrotique sur les années 30 et 40 du siècle dernier. Il est notamment assez navrant que l’essentiel de l’activité éditoriale de notre « mouvance » se limite à la production à la chaîne de textes et de documents, souvent de deuxième ou troisième ordre, sur la seconde guerre mondiale. Pour être clair, le fait d’avoir été emprisonné ou fusillé en 1945 n’enlève rien au talent d’un écrivain mais cela ne transforme pas non plus n’importe quel plumitif laborieux en génie littéraire dont la lecture présente encore de l’intérêt 60 ans après.Il y a, je crois, des lectures plus intéressantes et formatrices pour les militants identitaires du 21e siècle que les mémoires de la veuve du chauffeur du sous-secrétaire d’Etat aux comices agricoles du gouvernement de Vichy ! La primauté ontologique du culturel, au sens large, sur le politique se constate également dans l’actuelle situation française.En France, ce que l’on appellera par commodité la « gauche » (c'est-à-dire l’ensemble du spectre politicien qui se reconnaît dans l’idéologie universaliste, progressiste et égalisatrice) peut perdre l’ensemble des élections pendant 20 ans sans rien perdre de son influence et de sa domination sur la société française. Tenant l’école, les médias et les milieux artistiques, la « gauche » se moque bien des changements de ministères qui, de toute façon, quelque soit leur coloration, n’agissent qu’en référence à elle, en employant souvent son vocabulaire et ses grilles de lecture. Avec de tels outils de décérébration, la gauche trotsko-internationaliste peut maintenir intact un pouvoir culturel et social totalement disproportionné avec sa représentativité réelle au sein du peuple français.On se moque bien de faire moins de 5 pour cent aux élections quand on tient sous sa coupe, par exemple, par l’intermédiaire des cohortes d’instituteurs formatés, les usines à produire des « militants malgré eux » que sont devenues les écoles de la république ! Un jeune esprit « endoctriné » vaut bien 5000 bulletins déposés par mécontentement passagers ou intérêt personnel dans la boite à vomis démocratique”Xavier Eman -- source link
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